1. Quelle est la vision de l’inclusion numérique au sein de votre organisation?
En 2022, l'inclusion numérique est une condition indispensable à l'intégration sociale des citoyens.
Autrefois luxe puis commodité, les technologies numériques sont maintenant un passage obligé pour vivre pleinement sa vie sociale, administrative, culturelle. Mais en l’absence d’accès égal aux équipements connectés et à la maîtrise de leurs usages, la digitalisation vient accentuer les disparités et alimenter un paradoxe : synonyme d’hyper-connectivité comme de mises à l’écart, elle ouvre les possibles pour une partie de la population tout en fermant des portes à des millions de personnes.
L’inclusion numérique selon Bibliothèques Sans Frontières (BSF) consiste à ouvrir ces portes, en s’assurant que tous puissent non seulement accéder aux services essentiels à l’exercice de leur citoyenneté et de leurs droits (impôts, emploi, vie pratique), mais aussi aborder sous l’angle de l’opportunité ce nouvel espace de vivre-ensemble, d’ouverture au monde et d’apprentissage. Il s’agit donc de développer des savoir-faire, mais également de stimuler la curiosité, la créativité, et l’esprit critique. Pour que chaque citoyen puisse non seulement comprendre le monde digital mais aussi en être un acteur conscient, confiant et épanoui.
2. Quel est le public cible dans le cadre de votre projet ? Pourquoi vous a-t-il semblé nécessaire de proposer un projet d’inclusion numérique pour ce public cible ? Comment procédez-vous pour atteindre votre public cible dans le cadre de votre projet ?
Les bénéficiaires finaux de nos actions sont les personnes fragiles, en situation de pauvreté, peu formées.
Pour toucher largement ces personnes, BSF accompagne et équipe les professionnels qui sont en première ligne de la fracture numérique : ceux qui, sans y avoir été préparés, sont confrontés au désarroi de leurs bénéficiaires dans les CPAS, maisons de quartier, bibliothèques et autres lieux publics. Cette approche repose sur plusieurs constats : détresse de structures en manque de moyens matériels et humains, présence et confiance des publics bénéficiaires finaux dans ces lieux dont ils sont déjà familiers…
Face à un si grand défi, BSF cible également de nouveaux acteurs : des bénévoles, recrutés au sein d’entreprises partenaires et, depuis peu, parmi le grand public. Nous connaissons tous, dans nos cercles proches, un voisin, un parent, un collègue en difficulté : nous pouvons donc tous, à notre échelle, agir pour une société plus e-inclusive. Émerge ainsi une communauté citoyenne : celle des Digital Buddies, formés par nos soins et engagés à nos côtés.
Enfin, BSF déploie ses efforts quotidiennement pour sensibiliser les décideurs politiques et mandataires publics à l’inclusion numérique, afin que cet enjeu de politique publique encore récent devienne une priorité.
3. Quelle méthodologie avez-vous utilisée pour réaliser ce projet ? En quoi cette méthodologie est-elle innovante ? Comment impliquez-vous votre public cible dans les activités proposées ?
BSF propose à ses bénéficiaires, professionnels comme bénévoles, un accompagnement centré sur la notion d’autonomisation. Face à la diversité des publics et des réalités que cache le terme de « fracture numérique », face à la technicité des questions auxquels ils peuvent être confrontés, nous priorisons la capacité à diagnostiquer les difficultés numériques, l’adoption d’une posture facilitant l’apprentissage et l’acquisition de réflexes et d’outils mobilisables dans une variété de contextes. À leur tour, les aidants numériques devront amener leurs publics vers l’autonomie : BSF accorde donc une grande importance à la découverte du fonctionnement cognitif et aux mécanismes de mise en confiance. Plutôt que de « faire à la place de », les aidants devront favoriser l’acquisition de nouveaux savoir-faire, aussi bien dans le cadre d’ateliers dédiés, de temps de permanence ou d’accompagnements ponctuels.
La singularité de notre approche dépasse le temps strict des formations : dans l’objectif de constituer un réseau d’acteurs partageant bonnes pratiques et synergies, nous stimulons notre communauté en organisant tous les 2 à 3 mois des rendez-vous de l’inclusion numérique : les Cafés Connectés. À chaque rencontre, une thématique dédiée (publics spécifiques, approches pédagogiques, etc) et l’opportunité pour professionnels et bénévoles de faire connaissance.
4. En quoi votre projet peut-il créer un effet de levier (être une source d’inspiration) pour la réalisation d’autres projets d’inclusion numérique de ce groupe cible ? Avez-vous conclu des partenariats avec d’autres acteurs dans le cadre de ce projet ?
Nous sommes convaincus que la mobilisation du grand public peut marquer un tournant dans l’avènement d’une société plus inclusive. Les Digital Buddies ont vocation à aider autour d’eux, mais également auprès des structures où BSF forme des aidants numériques. Ils sont aussi souvent des professionnels, qui dans divers secteurs (éducation, communication, commerces, aide à la personne, etc) contribuent au développement de dispositifs susceptibles d’intégrer des logiques inclusives. Ils sont enfin des citoyens, qui peuvent faire remonter à leurs élus leurs préoccupations, pour que l’inclusion numérique se fasse une place durable dans le débat public.
En appelant le grand public à se saisir de cet enjeu, nous faisons de chaque belge un potentiel aidant, à son niveau. Nous voulons ainsi développer plus de dispositifs animés par des bénévoles, en encourageant le pair-à-pair. Ainsi naîtra un véritable mouvement citoyen, soutien indispensable aux lieux d’accueil publics débordés par l’ampleur de la fracture numérique.
5. Quels sont les résultats obtenus suite à la mise en œuvre de votre projet ?
En moins d’un an, BSF a formé 87 aidants professionnels (issus de 31 organisations) et 64 bénévoles. Aux côtés de la Fondation Roi Baudouin, nous avons pour objectif d’accompagner plus de 500 aidants d’ici à l’automne 2023. Les Digital Buddies joueront un rôle clé pour amplifier cette dynamique, venant en renfort d’activités existantes mais aussi en en initiant de nouvelles.
BSF a également organisé, depuis janvier 2022, 4 rendez-vous numériques (ou ‘Cafés Connectés’) : sur l’accompagnement de débutants en distanciel, la mise en place de permanences, la gestion constructive de l’erreur et la problématique de la malvoyance dans l’accompagnement numérique.
Pour sensibiliser les acteurs décisionnels et de terrain concernés par ce défi, BSF a pris contact avec plus de 32 communes, 26 CPAS et 110 organisations publiques et privées. Nous travaillons déjà aux côtés de nombreuses entités et réseaux : CIRB, Mediawijs, SPF BOSA, ville de Charleroi, Digitall, Digilab, ADN…
6. En quoi votre projet s’inscrit-il dans une stratégie d’inclusion numérique à long terme ?
En mettant l’accent sur la notion d’autonomisation, nous voulons promouvoir des solutions d’inclusion numérique à la fois viables pour les structures accompagnantes et durables pour les bénéficiaires, permettant à chacun de se réapproprier les outils numériques et d’y trouver, au-delà d’une praticité, une forme d’épanouissement – ouvrant, par ailleurs, la possibilité de partager ses nouveaux acquis avec d’autres personnes.
En assurant la formation de professionnels et de bénévoles et en favorisant l’échange entre ces profils divers, BSF a pour objectif d’encourager le partage d’idées, de bonnes pratiques et de moyens. À une échelle locale, la rencontre de ces acteurs élargit le champ des possibles et offre un terrain potentiel à de nouveaux projets, indépendamment des activités de BSF. Cette dynamique contribuera à faire de l’inclusion numérique un enjeu à la fois collectif et concret, au plus près des besoins des bénéficiaires.