Projet Lama

Après avoir clairement défini votre public cible et ses besoins, décrivez comment vous allez l'atteindre grâce au projet.

Le projet Lama travaille depuis plus de 40 ans à accompagner les usager.e.s de drogues en situation de vulnérabilité. Le projet Lama c'est 6 équipes, 70 travailleurs et plus de 1500 patient.e.s accompagné.e.s. Nos usager.e.s sont précarisés et conjuguent souvent problèmes de santé mentale, de sans-abrisme et d'exil.

Les usager.e.s de drogues ont besoin d'accès à un traitement, à des soins, à de l'accompagnement, à un logement, à tout ce qui peut garantir leur stabilisation ou leur mise à distance des conduites de consommation à risque.

Pour toucher et accompagner ces usager.e.s de drogues, le Lama a historiquement développé en Région Bruxelloise une offre ambulatoire psycho-médico-sociale avec deux conventions INAMI et un agrément COCOF, nous avons ensuite développé une offre d'accompagnement en logement grâce Hestia et à un subside en AIPL, et aujourd'hui nous développons des stratégies d'outreach avec nos deux équipes mobiles Artha et Cover qui interviennent auprès des usager.e.s en situation d'exil, ainsi qu'auprès des usager.e.s vivant en squat ou dans les stations de métro. Nous nous inscrivons également dans un ensemble de projets en partenariat visant à intervenir sur les vulnérabilités urbaines ou à augmenter l'accessibilité sur les territoires. Notre démarche est intersectorielle, pluridisciplinaire, intégrée et mobile.

Quelle est votre vision de l'accès aux soins à bas seuil pour le groupe cible de votre projet ?

Nous nous inscrivons dans une logique d'accueil bas seuil au nom de la réduction des risques. Pour nous, il s'agit de construire des services inclusifs, capables d'abaisser leurs différentes barrières à l'accès aux soins et d'être en capacité de construire des solutions pour les personnes en demande. Les barrières peuvent se situer sur les différents "seuils" identifiés dans la littérature scientifique en santé publique : le seuil de confiance, le seuil d'accessibilité, le seuil d'efficience et le seuil de compétence. Les stratégies doivent permettre une accessibilité inconditionnelle des services, et une réorganisation inclusive du système. Nous pensons aussi que l'accès bas seuil pour les usager.e.s de drogues doit permettre le décloisonnement vers les déterminants sociaux de la santé.

Les stratégies supposent de pouvoir aller vers les personnes, ce pourquoi nous avons renforcé l'offre mobile. Il s'agit également d'avoir une veille pour les signaux faibles en santé, et de pouvoir avoir la capacité de répondre à des phénomènes émergents à Bruxelles. Nous pensons également qu'il reste important de sensibiliser et mobiliser la première ligne de soin pour qu'elle reste disponible aux usager.e.s référencées par les services bas seuil et qu'elle soit capable d'accueillir les populations exclues des soins.

Quelle est la méthodologie utilisée pour atteindre le groupe cible et dans quelle mesure est-elle préventive et/ou curative?

Lors de nos interventions ou lors de la mise en place de nos dispositifs, nous croisons les stratégies. La méthodologie peut être curative lorsqu'il s'agit, par la mise en place d'un traitement de substitution, de soutenir sur le plan psycho-médico-social, un patient dans sa mise à distance des consommations problématiques ou lorsque nous accompagnons quelqu'un dans une démarche de sevrage. La méthodologie relève de la réduction des risques quand un.e usager.e inscrit dans une consommation active ne souhaite pas arrêter la consommation, mais que nous pensons qu'il est fondamental de maintenir le lien avec ellui: nous lui donnons accès à du matériel de consommation, nous lui donnons des conseils pour réduire les dommages liés à sa consommation, en suspendant le jugement moral. Nous sommes convaincus que les stratégies bas seuil se construisent à partir des liens que nous tissons avec les usager.e.s que nous rencontrons sur nos différents dispositifs, ou dans nos interventions mobiles. Nous avons également une attention pour le développement de la littératie en santé, notamment en ce qui concerne les usager.e.s de drogues qui ne parlent pas une des langues officielles, nous intervenons avec notre équipe de médiateurs interculturels et nous essayons de rendre plus inclusif le système.

Décrivez comment l'approche de ciblage garantit que les nouveaux bénéficiaires potentiels peuvent profiter de soins de santé à bas seuil.

L'accueil bas seuil permet de prendre les demandes au moment même où elles se présentent, lorsque la personne passe la porte de l'institution pour une première fois. En cela, l'accueil bas seuil favorise l'entrée en contact avec l'institution et le recours au système de santé.

Nos équipes mobiles, par le travail d'outreach, vont rencontrer les usager.e.s sur leurs lieux de vie (squats, métros, rue, parcs...). Lors de ces maraudes, nous faisons régulièrement du contact avec de nouveaux usager.e.s qui peuvent en suite bénéficier de notre offre d'accompagnement.

Le travail avec les médiateurs inter-culturels permet de toucher des communautés d'usager.e.s très vulnérables qui n'étaient pas en contact avec les services spécialisés auparavant : usager.e.s soudanais, érythréens, somaliens, polonais, syriens. Ces groupes de personnes fragilisées sont particulièrement exposés aux risques de troubles de santé mentale ou d'addictions aux médicaments ou à l'alcool. Ces nouveaux ayant droits sont ainsi accompagnés vers les services existants, les CPAS, l'aide juridique ou les services en matière d'asile et de migration. Enfin, les stratégies de “In- reaching" permettent aux équipes d'établir des permanences régulières chez nos partenaires tels que le Hub humanitaire ou Belrefugee, pour entrer en contact avec des usager.e.s peu mobiles ou désorientés dans leur lieu de contact habituel.

Quels sont les résultats obtenus ou attendus et comment seront-ils mesurés (indicateurs quantitatifs et qualitatifs)?

Les indicateurs vont varier en fonction de nos différentes activités : nous avons pour nos ambulatoires des indicateurs liés aux nouvelles demandes et aux retours en traitement. Nous sommes également attentifs au taux de rétention en traitement ainsi qu'au taux d'assurabilité et de protection sociale de notre public.

Nos projets sont soumis à la collecte du TDI qui est un indicateur européen de demande en traitement. Nous référons ces données à Sciensano, l'Institut de Santé Publique. Notre antenne COCOF, insérée dans le CSSI de Ribaucare, contribue aux données récoltées par la COCOF, ces données contiennent des éléments qualitatifs et quantitatifs.

Pour les équipes mobiles, nous avons des indicateurs liés au nombre d'accompagnements mobiles, au nombre de nouveaux squats visités et dans lesquels des interventions de promotion de la santé ont eu lieu. Nous procédons également à des vaccinations et à des sensibilisations vaccinales lors de nos visites en squat pour renforcer l'immunité des populations vulnérables. Ces actes sont comptabilisés et centralisés au service Hygiène de la COCOM et à Bruss'Help qui consolide le reporting de notre équipe de veille sanitaire. Nous alimentons également l'Observatoire Bruxellois de la Prévention et de la Sécurité avec le reporting de notre équipe subsidiée par Safe Brussels.

Comment le projet élabore-t-il une stratégie à long terme et qu'est-ce qui garantit que l'approche est transférable à d'autres contextes et/ou à d'autres échelles ?

Le projet Lama est un pionnier dans la construction du secteur des soins de santé pour les usagers de drogues. En 40 ans, l'institution a fait baisser progressivement ses seuils pour permettre de toucher un nombre élargi d'usagers de drogues. La stratégie bas seuil est transférable, nous formons ou supervisons régulièrement des équipes ou des acteurs de première ligne dans ce sens et notre expertise est reconnue. L'approche nécessite de renforcer les stratégies de bien-être au travail, qui viennent compenser les tensions qui peuvent naître entre l'accessibilité et la pénibilité du travail. Sur le plan territorial, grâce au CLSS du CPAS de la Ville de Bruxelles, nous mobilisons les acteurs dans le comité 05 qui vise à augmenter le recours aux services à l'échelle du quartier. Nous sommes également convaincus qu'un audit des seuils devrait être recommandé pour les associations d'aide et de soin subsidiées ainsi que les services publics.

De quelle manière les différences entre les hommes et les femmes sont- elles prises en compte dans la méthodologie appliquée et les actions menées ?

Nous avons développé avec le temps une attention particulière à la situation des femmes consommatrices de produits. Nous sommes bien conscients que les femmes sont sous- représentées dans le secteur ambulatoire traditionnel et que leurs besoins de santé sont réels et non rencontrés.

Afin de renforcer l'offre de soin et d'accompagnement pour les usagères de drogues, nous sommes, grâce à un financement COCOM, en train de monter un projet de maison d'accueil communautaire pour femmes en situation de rue sur le site du CSSI Ribaucare. Cette localisation contribuera à garantir un accès renforcé à une offre de soins de santé multiples, dont la santé sexuelle et reproductive. Avec ce projet, nous renforçons l'offre pour les femmes en situation de vulnérabilité à Bruxelles.

Dans nos futurs projets, tels que le centre régional intégré assuétudes, nous allons développer avec nos partenaires :Transit et MDM un espace de type "safe place" pour les femmes en situation de vulnérabilité. Cet espace est important pour qu’elles puissent reprendre confiance, prendre soin d'elle et gagner en pouvoir d'agir. Nous avons également, dans nos équipes de revalidation, ouvert des consultations en approche systémiques qui abordent les dynamiques de couples ainsi que les violences intra- familiales, malheureusement encore trop nombreuses.