Relais social du Pays de Charleroi

Après avoir clairement défini votre public cible et ses besoins, décrivez comment vous allez l'atteindre grâce au projet.

Depuis 2007, le Relais santé est un service de soins et d'accès aux soins pour personnes sans-abri. Nous y soignons toute personne sans abri nécessitant des soins : hygiène, éducation à la santé, soins préventifs ou curatifs, quelle que soit la situation de séjour. Ces personnes vivant en rue, ayant souvent eu un parcours de chaotique, se désocialisent et désapprennent. Les besoins de base passent au second plan et le corps est oublié. Le respect des règles de vie devient difficile dans des services classiques, sans compter les problématiques de santé mentale, déjà présentes ou conséquentes, les pathologies psychiatriques et les assuétudes souvent présentes. Au Requinqu'eux, maison de soins infirmiers, les soins sont dispensés en amont de l'hôpital (évitant une hospitalisation) ou en aval (convalescence) ou propose une période de repos, de réalimentation, éducation à la santé, compliance aux traitements. Sortir du stress de la rue permet la prise de conscience qu'autre chose est possible, que le bien-être existe encore. Ces patients désocialisés ne sont pas toujours bien accueillis ou compris dans les services de soins classiques, au Requinqu'eux nous prenons le temps de comprendre et de mobiliser les ressources résiduelles.

Quelle est votre vision de l'accès aux soins à bas seuil pour le groupe cible de votre projet ?

Les problématiques de santé mentale, voire psychiatriques sont prises en compte, de même que les addictions éventuelles très fréquentes (alcool, médicaments,) drogues illicites. Les personnes à la rue se désocialisent, désapprennent et oublient la nécessité des soins au corps. L'épuisement est parfois tel que penser n'est plus possible

En 2020, nous avons ouvert le Requinqu'eux, maison de 5 lits pour soins infirmiers, service résidentiel et autonome. Il fait office d'hospitalisation à domicile pour ceux qui n'ont pas de domicile. Dormir, manger et sortir du stress de la rue permet d'envisager, éventuellement, de nouveaux projets de vie.

Un temps de pause met une certaine distance avec le produit
L'abandon de l'hyper vigilance nécessaire en rue donne à voir une autre personne, en ce compris au niveau psychiatrique. Le patient est pris dans sa totalité : psycho-médico- sociale. Chaque paramètre est pris en compte afin de comprendre et l'accompagner là où il est et vers où il veut aller grâce à un travail en équipe pluridisciplinaire et en réseau. Prendre le temps de comprendre et de faire du lien, encourager et proposer, accepter refus et les mises en échec à répétition en mobilisant les différentes ressources disponibles : personnelles, familiales, sociales ou médicales.

Quelle est la méthodologie utilisée pour atteindre le groupe cible et dans quelle mesure est-elle préventive et/ou curative ?

Par notre travail en réseau et en équipe pluridisciplinaire et un travail infirmier de rue en collaboration avec les éducateurs du service APPUIS (CPAS de Charleroi). Aller vers, créer le lien et comprendre comment l'usager fonctionne est un premier pas vers l'accroche puis le soin. Tenir compte des souffrance psychiques, pathologies psychiatriques, assuétudes et comprendre les comportements de mises en échec sont nécessaires à la proposition de soins. Une période de repos au Requinqu'eux, diminuant la tension liée à la vie en rue permet de mieux appréhender les problèmes de santé. Ceci évite parfois une hospitalisation qui aurait été nécessaire plus tard

L'aspect administratif de l'accès aux soins est pris en charge par l'AS du Relais santé, notamment pour les personnes sans titre de séjour valide ou ayant tout perdu
Nous sommes également sollicités par les hôpitaux lorsqu'une personne sans abri est hospitalisée. Nous nous rendons sur place, rendons visite au patient, lui apportons les biens nécessaires lors d'une hospitalisation. Ceci permet de faire connaissance et de sensibiliser l'équipe soignante sur place. Si la situation médicale le permet en toute sécurité, la convalescence peut se faire au Requinqu'eux où seront assurés les soins infirmiers qui auraient été impossibles en rue.

Décrivez comment l'approche de ciblage garantit que les nouveaux bénéficiaires potentiels peuvent profiter de soins de santé à bas seuil.

Les soins de santé en rue sont souvent très compliqués : les traitements non suivis, abandonnés, incompris, ... Avoir un lieu résidentiel pour les assurer permet de conscientiser les patients et de profiter de cette période de repos pour envisager, éventuellement d'autres pistes de vie. Ce projet accueille également les personnes sans titre de séjour légal. Nous y travaillons sur l'accès aux soins du point de vue administratif aussi : aide médicale urgente et carte santé, remise en ordre administrative de patients qui avaient perdus tous leurs droits, accompagnement dans les démarches pour ceux qui ne sont pas, ou plus, en capacité de les réaliser. L'ensemble de ces préoccupations, amenées par le travailleur, a pour objectif de les faire se ré approprier par le patient lui- même. Les recours aux services d'urgences et à l'hospitalisation s'en voient diminuées, l'accueil de ceux-ci, dans les services de soins classiques n'étant pas toujours évident, l'attente les décourage et ils abandonnent ou, parfois, leurs comportements inadéquats en provoque l'exclusion avant même tout avis médical.

Sensibiliser le personnel soignant aux problématiques spécifiques des sans-abris et savoir qu'un après est organisé, améliorent leur prise en charge hospitalière et l'accueil qu'ils y reçoivent.

Quels sont les résultats obtenus ou attendus et comment seront-ils mesurés (indicateurs quantitatifs et qualitatifs) ?

Le Requinqu'eux existe depuis août 2020 (35 mois). Nous y avons accueilli 83 personnes différentes pour un total de 1111 journées d'occupation. Ceci peut paraître peu, mais l'hébergement demandant suffisamment d'autonomie, il ne nous est pas possible, dans les conditions actuelles, de répondre à toutes les demandes, pourtant fondées.
Ces demandes proviennent tant des travailleurs sociaux du réseau, des hôpitaux, inquiets quant à la sortie d'hospitalisation ou parfois même du patient lui-même.
Nous évaluons notre projet quantitativement sur le nombre de personnes hébergées et le nombre de journées occupées. Sur l'origine des demandes, de l'accompagnement de réseau mis en place en préparation à la sortie et les collaborations développées. Qualitativement, nous évaluons les entrées par le type de pathologie accueillie et pour les sorties par les orientations sociales (hébergement temporaire, maison d'accueil, hôpital, retour à la rue, ...) et médicales (suivi au Relais santé, orientation en médecine générale, compliance au traitement) ou réhospitalisation.
Nous estimons également ce que nous offrons qui n'existe pas ailleurs, en fonction des besoins rencontrés et des réponses à inventer.

Comment le projet élabore-t-il une stratégie à long terme et qu'est-ce qui garantit que l'approche est transférable à d'autres contextes et/ou à d'autres échelles ?

Le Requinqu'eux a pu voir le jour grâce à une opportunité temporaire qui a pu se prolonger. Les demande étant croissantes et l'offre insuffisante, nous travaillons, en partenariat avec Médecins du Monde, le Relais social, le GHDC, la ville et le CPAS de Charleroi à la mise en place d'un Médihalte (projet INAMI) qui aura une plus grande capacité et du personnel professionnel sur place en permanence, jour et nuit. Le Requinqu'eux a montré son utilité mais aussi ses limites. Une suite est donc nécessaire, que nous espérons voir aboutir rapidement.

Une présence professionnelle 24H/24 et 365 jours/an reculera nos limites, permettra d'accueillir les personnes pour des pathologies, non acceptables actuellement et pour des durées plus longues. Ceci permettra de mieux envisager "l'après", de préparer la sortie et de poursuivre les soins le temps nécessaires en toute sécurité.

De quelle manière les différences entre les hommes et les femmes sont-elles prises en compte dans la méthodologie appliquée et les actions menées ?

La disposition actuelle des lieux au Requinqu'eux donne la possibilité à une seule femme d'être hébergée en sécurité. Chaque chambre dispose d'une clef individuelle. Une chambre au premier étage jouxte une salle de bain qui est alors privatisée pour la patiente. Les hommes disposent de celle du rez-de-chaussée. Ceci n'est pas parfait, loin de là, c'est pourquoi ce sujet est pris en considération "pratique" dans l'élaboration du projet Médihalte.
Nous avons également, en 2022, hébergé un couple vivant en tente, dont la femme était enceinte, tentant une accroche, un lien pour encourager le suivi de grossesse et la conscientisation à la parentalité future.
Cette période d'hébergement est mise à profit pour mettre des collaborations en place avec des services spécifiques. Le lien et la confiance nécessitant du temps, le Requinqu'eux est l'occasion de premiers contacts en préparation déjà de la sortie de la patiente (ou du couple)
Notons que les hébergements pour couple sans enfants sont rares et l'accompagnement de la grossesse dans ces cas se complique par manque de possibilité d'hébergement adapté ou suffisamment tolérant, prenant en compte la grossesse, les assuétudes et le couple (voire le chien)